Les Couleurs

Le Temple utilisa les cinq couleurs essentielles que sont le noir, sable, l'argent, gueules, plus le brun.


Couleur Noir

Le sable (le noir). Froid, le sable (le noir) est la contre-couleur à valeur absolue. Il indique les ténèbres originelles, la passivité, le renoncement et la perte définitive sans retour dans le Néant ou le Vide.

Couleur Sable

Couleur chthonienne, le sable (la Substance et le Soi universel) est la materia prima, la terre fertile, qui contient la virginité primordiale, la vie latente, porteuse des germes d'une future création.

Il est donc potentiellement lié à l'idée de fertilité — le « Si le grain ne meurt » de l'Évangile , à l'instar des Déesses-Mères et dont la Vierge Marie perpétua le symbolisme.

On sait que les Templiers vouaient un culte particulier à Notre-Dame et aux Vierges noires, matière première, centre originel de la non-manifestation et de l'indifférenciation, qui enfanta, tout en demeurant pure, le Verbe incarné, synthèse du Ciel et de la Terre par ses deux natures divine et humaine (le sable et l'argent du baucent).

Le sable est assimilé à l'axe nord-sud qui est celui des mutations et de la transcendance.

L'Europe chrétienne a fait du sable le symbole de la mort physique et du séjour chez les morts, mais avec promesse de renaissance conduisant au royaume de Dieu, ainsi que celui de la mort initiatique à laquelle l'adepte ou le novice doit se soumettre afin de dépouiller le « vieil homme » pour acquérir la nature de l'« homme nouveau » par sa remontée vers la lumière (l'argent).

En terme alchimique, nous avons le passage de l'oeuvre au noir (nigredo), le principe humide des noirceurs de l'abîme, à l'oeuvre au blanc (albedo), le principe sec et igné, faisant éclore la Rose d'Or. Un tel rite était connu des Templiers, comme en témoignent les auteurs des XIIe et XIIIe siècles et les procès-verbaux des procès.

Le novice, précise la Règle, doit être reçu en un lieu silencieux et sombre (chapelle peu éclairée, salle sombre, salle souterraine) — d'où naquit la rumeur de pratiques impies et diaboliques — ou encore la nuit, à la suite de quoi le novice recevait la lumière de son nouvel état matérialisé par le manteau blanc.

Couleur Argent

Également contre-couleur à valeur absolue, l'argent (le blanc) est la couleur de la mort-étape transitoire se situant à la limite du visible et de l'invisible, impliquant un nouveau départ, réel ou initiatique. Il se place sur l'axe est-ouest, celui des départs et des changements. Le blanc est, de ce fait, le symbole du futur initié, du candidat — candidus, blanc —, du novice. Le futur Templier « mourait » et « renaissait » (cf. supra), en revêtant le manteau immaculé propre à son degré de perfection qui, au Moyen Âge, s'incarnait dans la noblesse, état de la perfection totale.

De ce fait, seuls les frères-chevaliers, tous nobles et véritables combattants de l'Ordre, pouvaient se couvrir de ce manteau, symbole de la caste sacerdotale et signe du guerrier chargé d'une mission particulière, frappé de la croix de sang, signe de leur fonction et de la perfection atteinte, par la grâce de Dieu, dans la différenciation et le « recentrage » de son être.

Nous retrouvons le processus alchimique décrit ci-dessus. Le Templier recevait l'Illumination, sorte de second baptême propre à la nature de l'Ordre.

Rappelons les paroles du Pseudo-Denys parlant du nouveau chrétien revêtant des vêtements d'une blancheur éclatante, car « échappant par une ferme et divine constance aux attaques des passions et aspirant avec ardeur à l'unité, ce qu'il y avait de déréglé entre dans l'ordre, ce qu'il y avait de défectueux s'embellit et il resplendit de toute la lumière d'une pure et sainte vie » (OEuvres complètes).

Initiateur, diurne et positif, l'argent est le symbole de la grâce, de l'intelligence — notamment de l'intelligence divine —, de la révélation et de la transfiguration, d'où son association fréquente avec le soleil et l'or, signes de l'absolue perfection et du triomphe, sur le plan chrétien, du règne sur la terre de cet être situé au-delà de toute perfection, Dieu.

Couleur Rouge

Le gueules. Couleur du feu et du sang, le rouge symbolise les principes de vie, de force et de puissance incitant à l'action, d'où son assignation à la fonction guerrière.

Couleur propitiatoire, protégeant des dangers et des maléfices, ainsi que celle de la noblesse et de l'empire — d'abord de l'empire sur ses propres passions et désirs —, le rouge est la promesse d'une nouvelle vie par le sacrifice.

S'adressant aux Templiers, saint Bernard n'a-t-il pas écrit: « Que cette croix vermeille, teinte du sang que notre Seigneur a répandu pour nous, soit le signe pour vous du commencement d'une vie nouvelle dont l'accomplissement, heureux mortels ! soit dans le martyre pour l'honneur de notre Seigneur Jésus-Christ et Notre-Dame » (OEuvres complètes) ?

Le rouge est aussi une couleur sacrée dévolue à l'homme spirituel ayant pénétré la Connaissance et la Sagesse divines. Elle est l'amour du prochain et, surtout, celui de Dieu, comme le précise la devise du Temple:

« Non pour nous, Seigneur, non pour nous, mais pour la Gloire de Ton Nom »

C'est la couleur également de la fertilité, tant matérielle que spirituelle, selon la parabole médiévale des « épis de blé rouges qui croissent entre les mains de Dieu » (Guillaume de Nevers, XIIIe siècle), et de la mort, mais d'une mort joyeuse et voulue pour l'amour et la gloire de Dieu, mort par le martyre ou le combat qui donne accès à l'immortalité.

Peu utilisé par les Templiers, le rouge était la couleur de leur fameuse croix, qu'ils portaient au niveau du coeur (sur le manteau) et sur la poitrine (sur la cotte d'armes).

Or, la couleur et l'emplacement de cette croix ne sont pas indifférents. Outre ce que nous venons de dire, remarquons que cette couleur est le signe du feu central, alimenté par l'amour divin, par lequel l'homme matériel se transforme en homme spirituel ou homme universel, dont l'athanor est le coeur, la « caverne du coeur », le centre de l'homme identifié au centre de l'univers où brille la lumière de l'Esprit et, finalement, où se produit la totale identification, la « fusion », par la grâce divine, de l'homme et de la divinité.

Une irradiation calorique se réalise alors en l'homme parfait qui le fait accéder à un plan transcendant qui échappe à la nature conditionnée de l'homme ordinaire.

La croix de la cotte d'armes est placée, significativement, sur le plexus solaire, lieu géométrique où se concentre et se dilate à la fois la lumière-force de l'homme et dont l'influx est directement issu du coeur.

Couleur Brune

Son symbolisme est assez proche de celui du noir, dont il fut souvent un substitut. Il est la couleur de la glèbe et de la terre, voire de la dégradation et de la pourriture de la matière organique, mais dont la force potentielle permet à la végétation de croître et de se développer.

Le brun est la marque de la pauvreté et de l'humilité (humus= terre). D'où son utilisation, au sein du Temple, par les seuls servants non combattants et les frères-sergents, éléments placés le plus bas dans la hiérarchie templière, l'humus du Temple.