Les différentes formes de croix



les-differentes-formes-de-croix-1Introduite en 1147, la croix de gueules ou « croix de vermeille » selon une expression médiévale, devint vite le signe exclusif du Temple, à tel point que les chroniqueurs la qualifient toujours de « croix du Temple », « croix des Templiers » ou encore « croix de la milice du Temple » (Jacques de Vitry), sans toujours préciser sa couleur, ce qui laisse supposer que ses formes et couleurs étaient connues de tous. Reste à savoir la forme exacte de cette croix.

Les auteurs « ès Templiers » en discutent encore. Les uns tiennent pour une croix pattée, alésée ou non — et si oui, était-elle pattée à angle droit ou en arrondi plus ou moins prononcé ?—les autres soutiennent que cette croix était droite ou croix grecque, à quatre branches égales, d'autres encore supposent une croix pattée à huit pointes ou croix aux huit béatitudes, à l'instar de celle de l'Ordre des Hospitaliers.

Voir dans l'accordéon ci-dessous plus de détails concernant les croix

les-differentes-formes-de-croix-2En fait, si l'on se reporte aux sources (fresques, objets bers, sceaux, bornes, sculptures, etc.), on ne peut que constater l'existence d'une infinité de formes cruciales, parmi lesquelles il est possible de déterminer deux catégories de croix: celle du manteau et des vêtements, qui était relativement homogène, celle utilisée sur les objets, sceaux, calvaires, etc.

les-differentes-formes-de-croix-3La croix du manteau semble avoir été de deux formes:

la croix grecque, selon Guillaume de Tyr qui précise que le maître « porte ung crux de vermeille droite sur le sein », que certains auteurs modernes disent, sans preuve, avoir été portée exclusivement par les hauts dignitaires et (ou) initiés du « Temple secret. »

Nous possédons le gisant de Renier de Villers, commandeur de Villiers et de Hesbaye, en Belgique, qui montre une telle croix.

les-differentes-formes-de-croix-4Le second type était patté, au pattement plus ou moins accentué et aux extrémités coupées nettes. Un chroniqueur arabe, Ibn Rachid Nazr, parlant de Guillaume de Sonnac, note « la terrible croix de sang aux côtés rentrés et aux bouts plats », description d'une croix pattée aux extrémités droites. En revanche, et contrairement à ce qu'avancent sans preuve certains auteurs modernes, le manteau du maître n'a jamais porté la croix patriarcale, ni la croix solaire, non plus que les croix fichées ou fleuronnées.

les-differentes-formes-de-croix-5Signalons également que la croix latine ne se rencontre jamais. La croix d'« objets », au sens large du terme, est en revanche de plusieurs types. Notons d'abord ceux des sceaux.

Les croix les plus fréquentes sont pattées de types minces ou épais — qui n'avaient d'ailleurs aucune signification particulière —, aux angles pattés et liés en abîme (Hugues de Rochefort, précepteur de Valence), potencée (Armand d'Anthien, précepteur de Montélimar), fine aux bouts pattés aigus (Bernard de Montllor, commandeur d'Alfambra, en Espagne), tréflée (contre-sceau rond d'une maison de Paris), patriarcale (prieuré de Saint-Victor-lès-Valence), cette forme de croix semblant, d'ailleurs, avoir été réservée aux chapelains de l'Ordre, plusieurs exemples de croix pattée au pied fiché (maître du Poitou, Foulques de Saint-Michel, frère Amblard, etc.), ce type de croix fut spécifique à cette province, ancrée (commanderie de Saint-Gilbert).

les-differentes-formes-de-croix-6Beaucoup de ces formes cruciales signalaient une fonction précise exercée par la personne qui faisait usage du sceau portant cette croix (maîtres de province, prieurs et chapelain, etc.).

Sur les objets, c'est la croix pattée qui domine, alors que les quelques fresques qui subsistent montrent soit la croix pattée aux bouts arrondis (église San Benignate), soit la croix mince aux extrémités pattées (chapelle de Cressac).

les-differentes-formes-de-croix-7Les croix, gravées ou sculptées en pierre, érigées par les Templiers (croix de ville, de commanderie, de carrefours, de domaine utilisée comme borne de propriété, etc.) privilégient la croix plus ou moins pattée aux bouts souvent arrondis et parfois enfermée dans un cercle (Gisors, Plégues, etc.) ou dont les branches excèdent un cercle plein (La Hoguette, croix-colonne de Sarry, etc).

les-differentes-formes-de-croix-8Ce type de croix fut vite qualifié par des auteurs de « croix solaire » ou « roue solaire », ou encore de « croix celtique. » A quelques exceptions près (croix de manteau et croix de fonction), il est certain que la forme de croix était laissée à la discrétion des dignitaires et commandeurs.

les-differentes-formes-de-croix-9Au-delà de sa forme, il semble que l'important ait été la forme cruciale elle-même et le symbole qu'elle représentait. Symbole universel et préchrétien, la croix est un symbole totalisant et intégrateur, mesurant l'espace et le temps, et synthétisant tous les éléments du monde sensible.

les-differentes-formes-de-croix-10À la fois réceptrice et émettrice, la croix, agissant sur l'essence de l'existence, unit en son point central tous les antagonismes et les complémentaires, non pour les annuler ou les détruire, mais pour les harmoniser afin de leur donner force et puissance qui agira sur l'« homme nouveau et universel » qu'était le Templier, dont l'archétype était le maître, « coeur » et réceptacle des pouvoirs, puissances et connaissance de l'Ordre.

les-differentes-formes-de-croix-11Le point central, significativement « l'abîme », où se rencontrent les branches se situant hors du temps, le « point de paix », le centre immobile et harmonique, est le naos dont l'accès n'est possible que par la Sagesse et la Connaissance. Il est la reconstitution de l'androgynat primordial dont le thème a fait partie de la doctrine du Temple.